lundi 25 novembre 2013

L’esprit critique n’est plus, l’autocritique non plus
Ces dernières années, devant l’explosion des chaînes de télévision et de radio, les marocains sont devenus des proies faciles à tous les idéologues et autres pseudo-spécialistes sévissant sur les antennes de médias souvent complices.

En effet, dans l’esprit de beaucoup de nos concitoyens, le passage d’un intervenant à la télévision ou à la radio l’élève au rang du sacré. Il suffit qu’un personnage plus ou moins loufoque passe à l’antenne pour que beaucoup de téléspectateurs prennent toutes ses élucubrations pour des recommandations divines. Les exemples ne manquent pas à ce sujet. ça va de « l’herboriste » qui somme des malades chroniques à arrêter leurs traitements vitaux pour les substituer par des tisanes, au « Psycho-Prêcheur » auto-proclamé qui se lance dans la résolution des problèmes de couple, de problèmes sociétaux, voire des problème psychiatriques graves, avec autant de niaiserie que d’irresponsabilité.
Si les motivations de l’attitude malhonnête, et parfois criminelle, de ces « conseillers du malheur » sont évidentes : la recherche de notoriété et d’argent, l’attitude des marocains, de plus en plus nombreux, qui se laissent berner sans résistance aucune par ce genre de personnages, est pour le moins déconcertante.
En effet, ce dangereux phénomène pose deux problématiques majeures : la première engage la responsabilité de certains médias qui se transforment en tribune pour des charlatans débitant des contre-vérités sans aucune contradiction de la part des journalistes. La seconde, plus grave et structurelle, concerne l’absence d’esprit critique chez beaucoup de nos concitoyens.
Pour remédier à cette situation alarmante, il est urgent que les pouvoirs publics et les intellectuels marocains se penchent sérieusement sur les causes d’un tel déficit. Ils doivent mettre l’accent, plus particulièrement, sur les raisons de l’échec de l’école marocaine à produire des citoyens à l’esprit critique aiguisé.
Quant aux professionnels de la santé que nous sommes, nous avons aussi un rôle très important à jouer. Nous devons participer activement à la sensibilisation des citoyens que nous côtoyons tous les jours, par rapport aux dangers qu’ils encourent en se montrant aussi crédules et perméables face à ces charlatans. Nous devons, sans cesse, leur rappeler que les seuls vrais professionnels de la santé, qualifiés et habilités à leur prodiguer des conseils concernant leurs maladies et leurs traitements, sont les médecins et les pharmaciens.
De même, une vraie stratégie de communication doit inévitablement être mise en œuvre par nos instances afin de valoriser notre rôle primordial, notre disponibilité et nos compétences dans la prise en charge sanitaire de nos concitoyens. Cela nous permettra d’occuper l’espace médiatique afin de reluire l’image écornée dont souffrent les professionnels de la santé dans notre pays, et par là même, empêcher les charlatans de sévir en leur apportant la contradiction à chacun de leur dérapage.
Seulement, pour s’attaquer à un tel chantier, il nous faudrait commencer par essayer de comprendre les raisons qui poussent les patients marocains à aller chercher des remèdes ailleurs que chez les professionnels de la santé. Et pour cela, nous devons inévitablement faire notre autocritique. Mais, avons-nous vraiment la volonté de la faire? La question mérite d’être posée.

 

                                                                  Dr. Zitouni Imounachen

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