vendredi 10 octobre 2014

Progrès, développement et effets collatéraux

Progrès, développement et effets

collatéraux

En France, avertis par une voisine, les pompiers ont fait la macabre découverte d’un homme momifié dans son appartement. Dans le Journal du dimanche (JDD) du lendemain, on pouvait lire ceci concernant la momie : «sa peau était brunie et dure comme le cuir. Ses muscles se sont évaporés. Ses joues se sont creusées et ses yeux ont laissé place à deux cavités béantes […] elle pesait une dizaine de kilos».

Cette momie des temps modernes avait un nom, un statut social, une famille et des amis. Il s’agit de Patrice Henry, ancien pilote de l’armée, âgé de 56 ans au moment de son décès.
Un soir de juin 2008, Patrice s’est endormi sur son canapé-lit en tee-shirt et caleçon. Il est mort cette nuit là, sans que personne ne s’en aperçoive.
Il a fallu six longues années, avant que l’alerte soit donnée et de retrouver, enfin, son cadavre momifié.
Pendant toutes ces années, personne n’a pris la peine de le chercher. Pourtant son fils, des ouvriers, un huissier, et bien d’autres personnes sont venus jusqu’au pas de sa porte, ils ont sonné, attendu un peu et sont repartis, abandonnant ainsi l’homme, puis le cadavre et enfin la momie à sa solitude.
Ce qui interpelle le plus dans l’histoire de Patrice Henry est moins que son cadavre se soit momifié, que le fait d’avoir vécu tant d’années dans une terrible solitude affective et sociale. Car, si les momies sont filles de pénombre et de solitude, Patrice Henry, lui, était un Homme. Et l’Homme est un animal social qui ne peut exister que par les autres et à travers les autres.
À cette même période, de l’autre coté de la Manche, un autre fait divers tout aussi étonnant mais beaucoup moins tragique, s’est déroulé en Grande Bretagne.
Un richissime anglais a réussi à percer le mystère de l’une des plus grandes énigmes policières de l’histoire du crime. En effet, au grand dam des amateurs des mystères bien gardés, l’identité du célèbre serial killer Jack l’éventreur a été révélée. Pour y arriver, Russell Edwards, un homme d'affaires détective à ses heures perdues, a mis la main sur un châle ayant appartenu à Catherine Eddowes, une des victimes de "Jack l’éventreur". Ce châle avait été récupéré par un policier en 1888 sur la scène du crime. L’objet a été ensuite conservé au sein de la famille, et transmis de génération en génération, jusqu'à se décider à le vendre il y a sept ans à Russell Edwards.

Grâce à la biologie moléculaire et avec l'aide de Jari Louhelainen, spécialiste de la discipline, l'enquêteur a découvert du sang et du sperme sur l'étoffe. Il a ensuite retrouvé les descendants de la victime Catherine Eddows ainsi que ceux d’un des suspects de l’époque afin de comparer les ADN retrouvés sur le châle. Et quelques jours plus tard, bingo ! Les tests ont révélé l’identité du tueur en série. Il s’agit d’un juif polonais qui exerçait la profession de barbier et répondant au nom d’Aaron Kosminski.

A travers ces deux faits divers, on voit bien que l’homme est capable du meilleur comme du pire. D’un coté, grâce au savoir et à la science, l’homme peut réaliser aujourd’hui des miracles, c’est le cas avec la révélation de l’identité de Jack l’éventreur, 126 années après les faits. De l’autre, nous avons un homme qui est mort dans l’indifférence la plus totale de ses voisins, de sa famille et de la société toute entière. Pire encore, Patrice Henry est mort bien avant la nuit de son décès officiel. Il est décédé le jour ou il a cessé d’exister pour les autres, le jour ou personne ne se préoccupait de sa personne et de son devenir. De son vivant déjà, Patrice Henry ne vivait plus mais se contentait de remplir la fonction d’un être vivant en faisant semblant…..d’exister !
Alors, à quoi sert le développement technologique s’il se fait au détriment d’une régression des valeurs humaines et des liens sociaux? Et peut-on parler de véritable progrès quand des gens souffrent et meurent dans l’indifférence générale ?
Pour ma part, j’aurais tellement préféré que l’identité de Jack l’éventreur demeure à jamais mystérieuse, mais que Patrice Henry soit aujourd’hui parmi nous, ou du moins qu’il ait pu bénéficier d’un enterrement digne de sa personne. Car préserver la dignité de l’Homme, mort ou vivant, c’est bien cela le véritable développement. 

                                                         Imounachen Zitouni ( Infosante N 5)

lundi 25 novembre 2013

L’esprit critique n’est plus, l’autocritique non plus
Ces dernières années, devant l’explosion des chaînes de télévision et de radio, les marocains sont devenus des proies faciles à tous les idéologues et autres pseudo-spécialistes sévissant sur les antennes de médias souvent complices.

En effet, dans l’esprit de beaucoup de nos concitoyens, le passage d’un intervenant à la télévision ou à la radio l’élève au rang du sacré. Il suffit qu’un personnage plus ou moins loufoque passe à l’antenne pour que beaucoup de téléspectateurs prennent toutes ses élucubrations pour des recommandations divines. Les exemples ne manquent pas à ce sujet. ça va de « l’herboriste » qui somme des malades chroniques à arrêter leurs traitements vitaux pour les substituer par des tisanes, au « Psycho-Prêcheur » auto-proclamé qui se lance dans la résolution des problèmes de couple, de problèmes sociétaux, voire des problème psychiatriques graves, avec autant de niaiserie que d’irresponsabilité.
Si les motivations de l’attitude malhonnête, et parfois criminelle, de ces « conseillers du malheur » sont évidentes : la recherche de notoriété et d’argent, l’attitude des marocains, de plus en plus nombreux, qui se laissent berner sans résistance aucune par ce genre de personnages, est pour le moins déconcertante.
En effet, ce dangereux phénomène pose deux problématiques majeures : la première engage la responsabilité de certains médias qui se transforment en tribune pour des charlatans débitant des contre-vérités sans aucune contradiction de la part des journalistes. La seconde, plus grave et structurelle, concerne l’absence d’esprit critique chez beaucoup de nos concitoyens.
Pour remédier à cette situation alarmante, il est urgent que les pouvoirs publics et les intellectuels marocains se penchent sérieusement sur les causes d’un tel déficit. Ils doivent mettre l’accent, plus particulièrement, sur les raisons de l’échec de l’école marocaine à produire des citoyens à l’esprit critique aiguisé.
Quant aux professionnels de la santé que nous sommes, nous avons aussi un rôle très important à jouer. Nous devons participer activement à la sensibilisation des citoyens que nous côtoyons tous les jours, par rapport aux dangers qu’ils encourent en se montrant aussi crédules et perméables face à ces charlatans. Nous devons, sans cesse, leur rappeler que les seuls vrais professionnels de la santé, qualifiés et habilités à leur prodiguer des conseils concernant leurs maladies et leurs traitements, sont les médecins et les pharmaciens.
De même, une vraie stratégie de communication doit inévitablement être mise en œuvre par nos instances afin de valoriser notre rôle primordial, notre disponibilité et nos compétences dans la prise en charge sanitaire de nos concitoyens. Cela nous permettra d’occuper l’espace médiatique afin de reluire l’image écornée dont souffrent les professionnels de la santé dans notre pays, et par là même, empêcher les charlatans de sévir en leur apportant la contradiction à chacun de leur dérapage.
Seulement, pour s’attaquer à un tel chantier, il nous faudrait commencer par essayer de comprendre les raisons qui poussent les patients marocains à aller chercher des remèdes ailleurs que chez les professionnels de la santé. Et pour cela, nous devons inévitablement faire notre autocritique. Mais, avons-nous vraiment la volonté de la faire? La question mérite d’être posée.

 

                                                                  Dr. Zitouni Imounachen

MON FRERE LE CLANDESTIN

 


                               Mon Frère le clandestin

En lisant mon journal, j'étais surpris par un article relatant les péripéties et souffrances d'un clandestin espagnol au Maroc. J'ai imaginé alors ce que pouvait dire un clandestin du sud à celui du nord.

                            Qui peut comprendre un clandestin mieux qu’un clandestin ?

J’ai vu la mort rôder autour de moi, elle m’a frôlé mais n’a pas épargné mes compagnons de fortune. Toutes ces femmes et ces hommes fuyant la misère à la recherche d’une vie décente ont péri parce qu’indésirables.

Je te comprends mon frère, je connais cette peur permanente d’être arrêté et expulsé. Je connais l’humiliation ressentie quand on est payé au dixième du travail fourni. Je connais, mon frère, les âpres souffrances de la nostalgie de son propre pays et de sa famille.

Sans identité, ni projet de vie, je marche en rasant les murs des rues glaciales à la recherche d’une dignité et d’une justice que je n’aurais jamais. A force de me renier, je suis devenu les autres. Je suis tout le monde, mais jamais moi-même.

Combien de fêtes de mariage, de baptêmes et d’enterrements de proches ont eu lieu, sans que je puisse y prendre part ?

Combien de fois mes filles ont eu besoin de la présence d’un père ? Combien de fois ma mère avait besoin d’un fils pour l’aider à se relever ? Et je n’étais jamais là. Tout ce que j’ai pu offrir à ceux que j’aime, c’est quelques euros froids sentant ma sueur et mes humiliations.

Aujourd’hui, la boucle est bouclée, et te voilà, à ton tour, clandestin dans mon pays. Mais rassure-toi, je ne m’en réjouis guère, car désormais, tu es mon frère dans la clandestinité.

Cependant, je suis heureux tout de même. Non par esprit de vengeance, mais parce que toi, l’européen, tu sauras trouver les mots pour dénoncer cette injustice créée par tes concitoyens. Tu sauras interdire ces barrières qui cloisonnent les gens et les obligent à vivre dans la misère et la répression. Tu sauras écrire les textes de lois pour protéger et respecter le clandestin. Car, nous ne sommes pas égaux, même devant la clandestinité. Derrière toi, tu as un vrai état et une chancellerie sur lesquels tu peux compter.

Quant à moi, clandestin du sud, je sais juste me cacher et me taire. Je sais juste souffrir en silence. Si j’ai appris à renier mon existence et mon identité, je n’ai jamais appris, en outre, à dénoncer les injustices que je subis, ni à exprimer mes doléances.

Pour moi, la clandestinité est un destin. Je suis né pour être clandestin. Je me sentais clandestin dans mon propre pays, dans ma ville, dans ma rue et même dans ma famille. Je suis clandestin dans mon corps, dans mon identité et dans mes croyances. Même, après ma mort, je demeurerais clandestin. Et on désignera ma dépouille par : corps d’un clandestin. 

                                                                                     Écrit par: Imounachen Zitouni

dimanche 27 novembre 2011

LE BLUES DU DICTATEUR



Hier encore, mes portraits et statues trônaient aux coins de toutes les rues. Ils veillaient sur vous et égayaient vos tristes vies.

J’étais la muse des poètes, la mélodie des chanteurs et le guide suprême. L’occident m’accueillait avec les honneurs et ses dirigeants étaient honorés par mes invitations. Les banques étrangères se disputaient pour accueillir mon argent sans se soucier de l’origine de mes milliards. Les ministres, les généraux et les imams louaient mon courage, ma bonté, ma générosité, ma justice, mon intelligence… A chacun de mes déplacements, les gens du peuple se bousculaient pour me voir, se battaient pour me toucher et jamais personne ne m’a manifesté le moindre grief. Vous m’avez sacralisé et je vous ai crus. 

Aujourd’hui, tout le monde a retourné sa veste. On me traite de dictateur, de sanguinaire, de despote et de corrompu. Tout le monde veut me voir cloué au pilori. Ô peuple, ô traître ! N’est-ce pas toi qui m’as mis sur un piédestal ? Et vous, mes fourbes conseillers, mes déloyaux généraux et mes perfides ministres, n’ai-je pas fait que suivre vos conseils ? Pourquoi avoir attendu que je sois un vieil homme en fin de vie pour me sortir de ma bulle ? Vous qui hier m'acclamiez et aujourd'hui me conspuez, sachez que je ne suis que l’émanation de vos aspirations. Je suis à votre image. Même après ma mort, je continuerai à hanter vos piètres existences, car j’étais créé par vous et je suis en vous. Et pour espérer échapper à mon spectre, il vous faudra d’abord combattre la part d’hypocrisie et de servilité qui est en vous. 

vendredi 23 septembre 2011

Facebook: Le réseau et la raison


Aujourd’hui, j’ai pris une décision importante et difficile à exécuter. Oui, à la fin de cet article, je ne ferais plus partie de ce monde. J’ai décidé de supprimer mon compte Facebook.
En effet, si cet univers virtuel peut s’avérer utile et ludique par bien des aspects s’il est utilisé de manière rationnelle, preuve en est, le rôle de catalyseur joué par ce réseau social dans le printemps arabe. Il n’empêche que  très souvent, il finit par se substituer à la vraie vie. On y rentre pour rechercher quelques amis perdus de vue, pour finir dans une addiction totale qui vous coupe de votre entourage.
Le comble de la contradiction est que tous ces outils sophistiqués, inventés pour nous permettre de mieux communiquer, ont fini par avoir l’effet pervers de nous couper du réel et de nos proches. Combien de fois, on s'est retrouvé dans une même pièce en compagnie de plusieurs personnes, et au lieu de nous parler, chacun communiquait avec des personnes à mille lieux de nous, via son téléphone portable, pc portable, iphone ou ipad. Les salles d’attente sont l’illustration parfaite de ce triste état de fait.
Si j’ai décidé de partir c’est aussi parce que je ne supporte plus le spectacle de ces personnes exposant leurs vies privées, leurs photos et leur intimité sur la toile. Je n’en peux plus de lire toutes ces citations à l’eau de rose affichées avec fierté par tous ces êtres en manque de reconnaissance. J’en veux à tous ces individus véhiculant des informations fausses ou approximatives juste pour faire le buzz et se sentir importants l’espace d’un instant. Je suis horripilé par toutes ces analyses burlesques, ces conseils ridicules et ces fausses compassions. J’ai enfin pitié de tous ces groupies s’agglutinant sur les murs de pseudo-stars, et qui sont en extase devant la moindre déclaration, la plus anodine phrase ou une quelconque ébauche d’idée médiocre manifestée par leur idole.
Sur le net, tout le monde donne son avis sur tout, et les rares avis intéressants, que dis-je ?, uniquement compréhensibles, se noient dans l’incommensurable quantité de conneries fièrement étalées par leurs auteurs. Jamais la connerie humaine n’a atteint un tel degré de diffusion, de partage et de jubilation. J’en suis arrivé, moi farouche défenseur de la liberté d’expression, à me poser bien des questions quant à la pertinence de donner cette liberté à des personnes aux idées pour le mieux insipides, quand elles ne sont pas carrément nuisibles.
En réalité, qu’on le veuille ou pas : troquer sa vraie vie contre une existence virtuelle est un constat d’échec. Chercher la reconnaissance, l’amitié, voire l’amour dans ces réseaux sociaux est pour le moins  malheureux. Et s’entêter enfin à croire qu’on puisse trouver derrière un écran ce qu’on n’a pas pu avoir dans la réalité est pathétique. Car je suis persuadé qu’il y a plus d’émotion et de sincérité dans une relation entretenue avec un poisson rouge dans un bocal qu’avec des amis virtuels. A cette occasion, je prie tous mes amis virtuels, ces espèces de spectres n’ayant ni goût, ni odeur, ni charisme, de garder leurs amitiés, leurs invitations, leurs amours et leurs pokes pour eux, car j’ai décidé de ne plus communiquer avec des fantômes.
Dorénavant, j’ai décidé de ne communiquer qu’avec des personnes en chair et en os, c'est-à-dire celles qui vivent avec et autour de moi. Quoi de plus vrai que de pouvoir les sentir, les toucher, entendre le timbre de leurs voix, entrevoir leurs gênes ou assurance, partager leurs éclats de rire, essuyer leurs larmes…..etc.
Enfin, quitte à ce qu’elle soit parfois ennuyeuse et souvent moins excitante qu’une vie virtuelle, la seule vie qui vaut d’être vécue amplement est notre vraie vie.

                                                                                                        Zitouni Imounachen

dimanche 8 mai 2011

Révolution perso



 Depuis la révolution du jasmin qui a eu lieu en Tunisie, le monde arabe vit au rythme des soulèvements populaires. Il y a les pays qui ont fait leur révolution, ceux qui sont entrain de la faire et ceux qui rêvent de la faire.
Les décennies d’injustices de tout genre, de despotisme et de misère ont fini par exaspérer les peuples arabes. Et du jour au lendemain, des citoyens pacifiques et dociles, se sont transformés en rebelles, en révolutionnaires voire en martyres.
Si personne ne peut nier le caractère historique et la légitimité de ces soulèvements populaires pour plus de démocratie et de justice sociale. On peut néanmoins, se poser la question suivante : quand est ce que chacun des citoyens que nous sommes, fera sa propre révolution ? Car c’est de cette révolution qu’on a le plus besoin aujourd’hui. En effet, chacun à son échelle, doit faire son autocritique et essayer de changer afin de permettre à notre pays d’avancer dans le bon sens.
Le fonctionnaire doit comprendre qu’il est au service des citoyens, et non le contraire. Le juge, doit s’atteler à rendre justice aux victimes s’estimant lésées, et contribuer ainsi à redonner confiance à ceux ci en la justice de leur pays. Le médecin doit traiter ses patients comme des êtres humains en souffrance, sans que l’aspect lucratif ne prenne le pas sur la noblesse de la relation médecin-malade. Les enseignants doivent prendre conscience qu’ils ont la lourde et honorable tâche de façonner les citoyens et le Maroc de demain, et agir en conséquence. Les parents doivent veiller à bien éduquer leurs enfants dans le respect des autres et de leur pays……..etc.
Le jour ou chacun parmi nous veillera à respecter les autres, et à accomplir ses devoirs uniquement par conscience professionnelle, citoyenne ou tout simplement humaine, le Maroc pourra aller de l’avant. Les despotes, les corrompus et tous les ``hors la loi`` qui font tellement de mal à ce pays disparaitront d’eux même car ils n’auront plus leur place dans ce nouveau Maroc.
Mais tant que chacun de nous continue à avoir cette attitude schizophrène, qui consiste à dénoncer les injustices d’un côté et de les commettre de l’autre, on a beau faire des révolutions, rien ne changera dans le fond. Car les mêmes comportements aboutissent toujours au même type de société.
Dans son essai historique, politique et moral sur les révolutions anciennes et modernes, Chateaubriand a dit ``Toute révolution qui n’est pas accomplie dans les mœurs et dans les idées échoue``, à bon entendeur.

                                                                                                              Zitouni. Imounachen