Hier encore, mes portraits et statues trônaient aux coins de toutes les rues. Ils veillaient sur vous et égayaient vos tristes vies.
J’étais la muse des poètes, la mélodie des chanteurs et le guide suprême. L’occident m’accueillait avec les honneurs et ses dirigeants étaient honorés par mes invitations. Les banques étrangères se disputaient pour accueillir mon argent sans se soucier de l’origine de mes milliards. Les ministres, les généraux et les imams louaient mon courage, ma bonté, ma générosité, ma justice, mon intelligence… A chacun de mes déplacements, les gens du peuple se bousculaient pour me voir, se battaient pour me toucher et jamais personne ne m’a manifesté le moindre grief. Vous m’avez sacralisé et je vous ai crus.
Aujourd’hui, tout le monde a retourné sa veste. On me traite de dictateur, de sanguinaire, de despote et de corrompu. Tout le monde veut me voir cloué au pilori. Ô peuple, ô traître ! N’est-ce pas toi qui m’as mis sur un piédestal ? Et vous, mes fourbes conseillers, mes déloyaux généraux et mes perfides ministres, n’ai-je pas fait que suivre vos conseils ? Pourquoi avoir attendu que je sois un vieil homme en fin de vie pour me sortir de ma bulle ? Vous qui hier m'acclamiez et aujourd'hui me conspuez, sachez que je ne suis que l’émanation de vos aspirations. Je suis à votre image. Même après ma mort, je continuerai à hanter vos piètres existences, car j’étais créé par vous et je suis en vous. Et pour espérer échapper à mon spectre, il vous faudra d’abord combattre la part d’hypocrisie et de servilité qui est en vous.